Depuis 1985, le parc automobile français des musées a vu la disparition de plus de 2000 véhicules de collection : autos, motos, utilitaires, camions, véhicules de pompiers et militaires, et de plus de 40 musées ou collections privées !
Au cœur du département des Hauts-de-Seine, véritable berceau de l’automobile, en plein centre de la Défense, on pouvait suivre pas à pas l’histoire de l’automobile dans ce musée où 100 voitures d’époque racontaient la naissance et l’évolution prodigieuse de ce moyen de communication qu’est l’automobile depuis un siècle.
La Colline de l’Automobile est née d'une volonté, celle de Christian Pellerin, le P.-D.G. de la SARI qui a aménagé la Défense. Il voulait créer la "vie dans la ville". Grand amoureux de l'automobile, Christian Pellerin s'est souvenu de la richesse historique du département des Hauts-de-Seine en la matière.
C'est alors qu'Yves Desgrées du Loû propose son optique : un musée vivant et culturel dans lequel l'automobile ne sera pas dissociée de son environnement. En 1987, les premiers jalons étaient posés. Plus tard, le conseil général des Hauts-de-Seine est venu apporter soutien et bénédiction. Cinq ans plus tard, le 25 octobre 1992, le musée de la Défense ouvrait ses portes.
Le propos n'était pas d'étaler un certain nombre de voitures. Il s'agissait, au contraire, de déterminer une véritable philosophie. Quatre idées de base ont servi de fil conducteur : la logique de l'évolution, le discours pédagogique, les points de repères dans l'histoire et, bien sûr, l'animation. La logique voulait que les voitures soient présentées dans un ordre chronologique, des balbutiements des premiers tricycles à moteur à la réalité des voitures d'aujourd'hui. Mais il fallait se restreindre à 100 modèles. Un choix déchirant ! Aussi, quatre sages, les plus grands experts puisqu'il s'agissait de Jacques Rousseau, Serge Pozzoli, Jean-Albert Grégoire et Adrien Maeght, ont travaillé pendant près d'une année pour figer une liste. Avec 100 voitures, il fallait réussir à expliquer l'évolution de l'automobile à travers le siècle. Ces automobiles ont été, ensuite, situées dans l'histoire grâce à 50 vitrines (dont certaines étaient consacrées à des thèmes tels que la voiture à vapeur, la guerre motorisée, le design, ou à des constructeurs tels Albert de Dion, Gabriel Voisin, Ettore Bugatti...)…
… et 4 saynètes animées, présentant des points de repères artistiques, techniques, économiques, politiques et sociologiques :
- En 1860, Etienne Lenoir met au point son moteur monocylindre à gaz de pétrole, reprenant les travaux de Philippe Lebon (durée 2'10)
- La "Croisière Jaune Citroën" part de Beyrouth le 4 avril 1931 pour atteindre Pékin le 12 février 1932 (durée 2'30)
- Les "années folles", avec des extraits de films d'époque mettant en scène des stars et des automobiles (durée 2')
- Un holorama retraçait l'histoire des avionneurs des Hauts-de-Seine, devenus constructeurs d'automobiles (durée 2'30).
Le musée automobile de la Défense se présente ainsi comme un formidable outil pédagogique. Le public l'a bien compris puisque l'on compte près de 90 000 visiteurs pour l'année 1993. Car, ici, s'il est vrai que le cours est magistral, la leçon n'en est pas moins passionnante !
Aujourd'hui, c'est la Compagnie Générale des Eaux, principal actionnaire de la SARI, qui se charge de l'exploitation du site. Dans la pratique, le musée est confié à une équipe qu'anime Yves Desgrées du Loû, le directeur général : Nadine Pommeau se charge de la communication, Eric Ladonne est responsable des automobiles, Jean-Baptiste Garache gère la documentation alors que Marc Blancquaert s'occupe de la technique, coordonnant les sous-traitants et restaurant de ses propres mains les voitures... En prime, ces cinq authentiques passionnés multiplient les actions pour accroître la notoriété de leur musée. Des opérations sont entamées avec les écoles. Pour mieux impliquer les enfants, des questionnaires leur sont offerts, mêlant sous forme de jeux des informations sur tous les domaines évoqués. Des voitures participent également à des manifestations et rallyes, montrant ainsi tout le dynamisme de l'équipe. Il faut, en outre, noter que le musée n'est pas figé. Seul un tiers des voitures exposées lui appartiennent, ou plus exactement sont la propriété du conseil général des Hauts-de-Seine. Le reste est prêté soit par d'autres musées, soit par des collectionneurs privés. De cette manière, les voitures tournent fréquemment et l'on découvre, d'une visite à l'autre, de nouveaux modèles. En fait, ce qu'offre le musée automobile de la Défense n'est pas une visite traditionnelle, c'est un véritable parcours à travers la grande aventure technologique et humaine de notre siècle, celui de l'efficacité et de la vitesse !
Texte de Pierre Gary extrait du livre “Musées automobiles de France”
Marc Blancquaert, Nadine Pommeau, Yves Desgrées du Loû, Jean-Baptiste Garache et Éric Ladonne trinquent devant une reproduction d’un bistrot parisien
Les périodes de l'histoire de l'automobile représentées :
- Les inventeurs (de la préhistoire à 1890). Les origines de l'automobile : de la roue à la vapeur, aux premières automobiles
- Les constructeurs Pionniers (1891-1904)
- Les Vétérans (1905-1918)
- Les Vintages (1919-1930)
- Les Post-Vintages (1931-1945)
- Les Modernes (à partir de 1946)
J’ai visité ce musée le 14 août 1994.
Lorraine-Dietrich 13 HP 1909 (état d’origine) – Duesenberg Type J 1929
Bugatti 57 1934 – Talbot-Lago Spécial 1938
Autres photos issues du livre “Musée automobiles de France” :
Avant le moteur était le cheval. De nombreux carrossiers, comme Binder qui habilla ce coupé de ville avant les Rolls ou les Bugatti, se recyclèrent à l'automobile -
Cette ancêtre est la reproduction du tricycle Benz de 1886, la plus anciennes automobiles à moteur à combustion interne. Comme toutes les voitures de la Défense, le tricycle roulait et participait à des rallyes !
Ohio Electric : Au début, on hésitait quant à l'énergie idéale : vapeur, pétrole ou électricité, comme sur cette Ohio Electric américaine, modèle Il construit de 1910 à 1918 -
Bédélia (1912) est à l'origine du mouvement des cyclecars que Peugeot intégrera en réalisant sa 161 Quadrilette (1921)
Dodge Brothers 1915 : elle présente la particularité d'être la première voiture à carrosserie "tout- acier" -
Lancia Lambda : Construite de 1922 à 1930, par sa carrosserie autoporteuse, est considérée comme une voiture révolutionnaire
Voisin C11 1927 dans son jus : Hommage à Gabriel Voisin avec cette C11 à carrosserie Weymann : sorte d'ossature légère en bois recouverte de simili-cuir -
Auburn Speedster 1929 : Malgré son allure un peu lourde, elle était, grâce à son moteur Lycoming 8 cylindres, une des voitures les plus rapides de son époque
Renault Nervastella coupé de ville, né en 1929, elle fut très apprécié grâce au silence et à la souplesse de son moteur 8 cylindres -
Tracta E 1960 : Si la première automobile au monde — le fardier de Cugnot — était déjà une traction avant, il a fallu attendre l'ingénieur Grégoire et les années vingt pour développer véritablement ce système d'avenir
Mercedes 290 1933 (6 cylindres 2867 cm3, 68 ch et 120 km/h), elle disposait d'un train avant combinant ressort à lames et ressorts hélicoïdaux
Packard Super 8 1933 : Son côté majestueux impressionne alors que sa masse semble dégager une puissance énorme. La hauteur du pare-brise ne doit pas faciliter la conduite, surtout lorsque l'on veut ménager la formidable calandre en ville ! -
Citroën 7 A : A l'occasion du Salon de Paris 1934, Citroën avait fait œuvre de pionnier en présentant la Traction Avant, dont le premier modèle est cette 7 A
Villard Cyclecar 1934 : Heureuse époque où les constructeurs redoublaient d'ingéniosité pour faire au plus simple afin de répondre à la définition du cyclecar (moins de 350 kg et 1 100 cm3 maxi). Ce qui donnait souvent de drôles de machines comme ce Villard de 1934 avec sa roue avant motrice -
Talbot T150 C 1938 : son 6 cylindres 4 litres lui permettait de rouler à 160 km/h. Comme les Talbot d'outre-Manche, elle était équipée d'une boite présélective Wilson
Delahaye 135 : avec ses 6 cylindres en ligne, elle est l'une des vedettes de l'automobile française de prestige de la fin des années 30 -
Tatraplan : Née en 1947, elle possédait une carrosserie aérodynamique, un châssis poutre, 4 roues dépendantes et un moteur arrière refroidi par air
Mercedes 300 SL : Comment oublier la Mercedes 300 SL, première voiture de série utilisant une alimentation par injection ! –
Grégoire cabriolet sport (12 exemplaires construits) Carrossée par Chapron, il était motorisé par un 4 cylindres à plat à compresseur de 125 ch
Citroën DS : Citroën fut le champion des révolutions : technologiques avec la DS (suspensions hydropneumatiques) et économiques avec la 2 CV -
Chevrolet Corvette carrossée par Scaglietti 1959, l’Amérique rejoint l’Italie et la Ferrari 275 GTB4, première Ferrari commercialisée à 4 ACT
Trabant et Vélosolex : La palme de l'économie sur l'axe Est-Ouest : véritables symboles ! -
Oldsmobile Toronado, apparue en 1966, elle est longtemps restée la plus rapide traction avant commercialisée.
Tracta-Gephi( G-F, pour Grégoire-Fenaille), elles participèrent aux 24 Heures du Mans 1927, 1928 et 1929, où elles
démontrèrent la fiabilité de la traction avant et du fameux joint homocinétique Tracta -
Amilcar 6 cylindres 1100 cm3 : Une cinquantaine ont été construites. Parmi elles deux "spéciales" ont battu de nombreux records, dont l'un à 207 km/h, entre 1927 et 1933
Allard J2X 1952 : Sydney Allard, en mettant un gros V8 américain dans une caisse légère, a créé une Cobra avant l'heure. Et, comme par hasard, ce modèle a couru au Mans ! -
Lotus 16 1958, souvent surnommée "la petite Vanwall", elle fut la dernière monoplace de la marque à moteur avant, un Climax 2,5 litres de 240 ch. L'année suivante vint la fameuse 18 à moteur central
Cobra 427 Racing, la NSU TTS et la Ford RS 200 : Course en tous genres -
Renault RE 27B 1981 : quand Renault construisait moteur... et châssis en Formule 1. Ici, la RE 27B de 1981, l'année des premières victoires de Prost en Championnat du Monde !
La superbe reconstitution d'un garage ancien abrite une étonnante camionnette Sigma type R de 1920 et une très belle moto Terrot -
Parmi la belle exposition de moteurs, ce Lafitte à 3 cylindres en étoile, de 1922, descend en ligne droite de la technique aviation
Le musée a voulu retracer l'histoire de J.-A. Grégoire, dernier pionnier solitaire de l'automobile des Hauts-de-Seine. De la Tracta E de 1930 à roues avant motrices à la C.G.E.-Grégoire de 1971 en passant par l'Adler à carcasse coulée de 1935, presque toutes ses réalisations sont exposées, mettant en relief l'audace innovatrice qui a toujours caractérisé l'œuvre de l'ingénieur Grégoire, grand humaniste doublé d'un sportif et d'un romancier de talent -
De la roue "artillerie" fixe, en bois, à la jante emboutie démontable, en passant par les roues à rayons, ce panneau expliquait l'évolution de cet indispensable accessoire.
Réalisé pour l'ouverture du musée, le livre "Hauts-de-Seine, berceau de l'automobile", un monument, recense les constructeurs du département entre 1880 et 1939. Jean Fondin, avec la collaboration de Roger Brioult, Jean-Paul Rousseau, Paul Normand, Jean Bernardet et Nadine Pommeau, raconte les aventures de 304 marques !
Malheureusement, subissant le sort de nombreux musées automobiles, La Colline de l’Automobile à Paris-La Défense n’ayant pas eu le succès escompté, est fermée depuis 2000. En 2004, Nicolas Sarkozy, nouveau président du Conseil Général des Hauts-de-Seine à qui appartenaient 28 voitures remisées dans un garage dont le gardiennage coûtait 100.000 € par an, a décidé de les déstocker et elles furent vendues aux enchères le 7 novembre 2004.
Même en Région Parisienne, les grands musées d’automobiles anciennes disparaissent. L’Île de France comptait neuf musées automobiles. Les deux plus importants ont fermé : Le Centre International de l’Automobile de Pantin (92) et la Colline de l’Automobile à La défense (92), ainsi que le musée Renault à Boulogne-Billancourt (92) ! Avec le CNAM (75) qui contient une section consacrée à l’automobile, le Conservatoire Citroën à Aulnay-sous-Bois (93), la collection de l’aventure automobile (anciennement CAAPY) consacrée à PSA à Carrières-sous-Poissy (78) que devrait bientôt rejoindre Citroën, le Conservatoire Automobile à Nangis (77), le musée automobile de Paris-Montlhéry (91) et la collection privée Legends Garage Museum Carrières à Moissy-Cramayel (77), six musées ou collections peuvent encore être visités.
Bonjour ! J'ai lu votre intéressant article sur les musées automobiles fermés. Passionné, modéliste, j'ai moi-même exposé mes 125 dioramas présentant 665 voitures intéressantes notamment à Retromobile, à la CITE DE L'AUTO - COLLECTION SCHLUMPF et au Château de Breteuil. Il en est sorti un livre : PETITE HISTOIRE DE L'AUTOMOBILE - VOYAGE EN MINIATURES. Je suis à la recherche d'un lieu pérenne pour disposer cette saga, qui commence vers 1850 et se termine vers 1990. Peut-être pourriez-vous avoir quelques idées de lieux, de personnes susceptibles de s'y intéresser...? Le livre peut être feuilleté sur le site www.naturalia-publications.fr/histoire-automobile-miniatures. Cordialement Robert Kohler
RépondreSupprimerJ'étais décoratrice chez Structures Internationles. J'ai contribué aux décors des vitres concernant des objets de collections prêtés et mises en situation. J'ai passé des mois à élaborer ces vitrines. J'en garde un merveilleux souvenir. Je regrette que cela ce soit terminé trop tôt. Beaucoup de travail dans l'ensemble pour faire ce musée hors du commun. J'adore les voitures anciennes, j'étais dans mon élément.
RépondreSupprimerMerci de votre témoignage. Ce musée en Île-de-France était effectivement différent et fort intéressant, sa fermeture est étonnante et triste !
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