Dernier des grands châteaux de la Loire en descendant le fleuve, le château de Serrant, de la Renaissance, possède un très bel ensemble meublé. Rassemblée en près de quatre siècles, une prestigieuse collection de mobilier et d’œuvres d'art orne les grands salons d'apparat. Point d'orgue de cette visite sa gigantesque bibliothèque lambrissée par les reliures de quelque 12.000 livres, le tout entièrement classé “Monuments Historiques”.

Le premier château, à l'origine une forteresse médiévale, a appartenu à la famille Serrant, jusqu'au mariage de Françoise de Serrant avec Jean de Brie au 14ème siècle. Et c'est Charles Péan de Brie qui, à la fin du 16ème siècle, entreprend la construction du château Renaissance. Il le commande à l'architecte angevin Jean de l'Espine, bâtisseur du clocher central de la cathédrale d'Angers, pour édifier un corps de logis autour d'un escalier à double volée contrariée ainsi que deux ailes. Les travaux sont suspendus par manque d'argent. Racheté en 1636 par Guillaume II de Bautru, la bâtisse connaît une nouvelle phase de construction en respectant scrupuleusement les plans originaux. La seconde moitié du corps principal, la tour sud, les deux pavillons ainsi que l'aile nord sont bâties. L'aile sud à moitié construite est complétée plus tard par l'entremise de son arrière petite-fille, la Marquise de Vaubrun, née Madeleine de Bautru. C'est elle qui demanda à Jules Hardouin Mansard d'édifier dans la seconde moitié de l'aile la chapelle funéraire dédiée à son défunt mari. Vers 1720, le château est enfin terminé, quelque 200 ans après le début des travaux. Après diverses occupations aux 16ème et 17ème siècles, la propriété fut acquise en 1749 par Antoine Walsh, noble irlandais qui suivit Jacques II Stuart en exil en France et devint armateur à Nantes. Une de ses descendantes, Valentine Walsh, ayant épousé en 1830 le duc de La Trémoille, le château est entré alors dans le giron de cette grande famille poitevine sans changer de mains depuis.



le château – le pigeonnier Adresse : Château de Serrant, 49170, Saint-Georges-sur-Loire
Horaires 2024 : de 9h45 à 17h15, du mercredi au dimanche (sauf ponts et jours fériés) du 30 mars au 31 mai et du 23 septembre au 11 novembre, tous les jours du 1er juin au 22 septembre, fermé après le 11 novembre.
Tarifs 2024 : 10 € (réduit : 7,50 €, enfants 8/15 ans : 5,50 €) ; visite guidée bibliothèque et chambres de prestige : + 4 €
Site Web : https://www.chateau-serrant.net/
La salle à manger
La salle à manger de Serrant occupe toute la partie droite du corps central de logis. Elle est aménagée à la fin du XIXème siècle à la place d’anciens appartements. Parmi les invités de marque qui ont dîné ici, on peut citer la Reine mère d’Angleterre, qui a passé 3 jours à Serrant en 1981. La salle à manger sert ainsi toujours ponctuellement à l’occasion de réceptions privées.
La salle est ornée de tapisseries des Flandres datant du XVIIIème siècle. Elles mettent en scène les Métamorphoses d’Ovide. La statue se trouvant dans la niche en stuc représente Hébé, déesse de la jeunesse, servant la boisson aux dieux. La table est d’époque Empire : on peut reconnaitre les pattes de lion aux pieds, caractéristiques de ce style. Estampillée Jacob, elle se compose de plusieurs parties pouvant ainsi accueillir jusqu’à 25 convives. Les chandeliers ainsi que le surtout de table sont estampillés Thomire, bronzier favori de Napoléon Ier. La salle à manger est également ornée de biscuits de Sèvres du XVIIIème siècle figurant des scènes de chasse. Les cuisines se situant au sous-sol, les plats sont montés grâce à un monte-plats qui débouche dans l’office jouxtant la salle à manger. Cette petite pièce de service contient toute la vaisselle et les ustensiles nécessaires au service. C’est ici que l’on dresse les plats avant de les apporter sur la table de la salle à manger, ou sur les valets-muets, ces petits meubles en acajou situés devant la statue. Le surtout-de-table a une fonction à la fois décorative et utilitaire : il sert à poser les bouteilles, les condiments et autres épices pendant le repas. En tant que centre de table, il se doit d’être précieux et richement orné.
Le grand salon
C’est en 1894 que le Duc de la Trémoïlle demande à son architecte Lucien Magne de réaménager cette ancienne galerie de réception pour en faire le salon du château. Il est conçu comme un espace à la fois confortable et grandiose pour recevoir les invités et exposer les œuvres d’arts collectionnées au fil des générations. L’architecte a donné à la salle une atmosphère néo-Renaissance, notamment grâce au plafond présentant un joli dessin de caissons ouvragés. La cheminée monumentale a également été refaite en s’inspirant du style Renaissance : pilastre, frises végétales, chapiteaux ioniques, …
Lucien Magne a pensé le décor pour ébahir les invités reçus par le Duc : dès l’entrée de la salle, le regard est attiré par le plafond à caissons, puis par la cheminée monumentale, ensuite par les imposantes tapisseries tendues sur les murs et enfin par l’extraordinaire cabinet d’ébène (en visite guidée uniquement).
Le Cabinet d'ébène est un chef-d’œuvre de l’ébénisterie du 17ème siècle attribué à Pierre Gole. Il aurait été commandé à l’occasion d’un mariage. Il est conservé depuis plus de 300 ans au château. Signe de richesse et de magnificence, il révèle en son intérieur un théâtre miniature composé de miroirs, d’une rocaille, de marqueteries précieuses et de plus de 30 tiroirs secrets.




le cabinet d’ébène du grand salon Les tapisseries datent de 1590 et proviennent de l’atelier du lissier bruxellois Jan II Raes. Remarquablement conservées, elles présentent un curieux thème iconographique connu sous le nom de « Combats d’animaux » ou « Pugnae Ferrarum ». Une multitude d’animaux y est présente, d’origine exotique ou fantastique, évoluant dans un paysage luxuriant. Les tentures sont inspirées par les gravures de Marcus Gheeraerts dans un ouvrage publié en 1578 “L’Ebastement moral des animaux”, réécriture contemporaine des Fables d’Esope. Chaque tapisserie présente une des fables : Le lion et le cheval, Le dragon et l’éléphant, Le cygne et l’ibis, etc…
Le château de Serrant a la particularité de s’être transmis de générations en générations sans altérer les collections. On retrouve donc de nombreux objets amassés au cours des siècles par les propriétaires successifs et conservés comme des souvenirs de famille. À droite de la cheminée se trouve un grand portrait de la Princesse des Ursins, peinte par Nicolas de Largillière. Née Anne Marie de La Trémoïlle, elle épouse le prince italien Flavio Orsini (francisé en « des Ursins »). À la mort de son mari, elle retourne à Versailles où elle devient une amie proche de Mme de Maintenon. Louis XIV la nomme gouvernante de son petit-fils le Duc d’Anjou, qui devient ensuite roi d’Espagne : Philippe V. Grâce à cela, elle est nommée dame d’honneur de la Reine d’Espagne Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, et exerce une influence politique importante en jouant le rôle de « l’agente infiltrée » du roi de France en Espagne. Sur l’imposante table Empire commandée par la famille Walsh, se trouve un coffret aux camées orné de pierres fines (grenats, lapis-lazulis…) offerte par le Pape Paul V à Henri III de la Trémoïlle, son père étant ambassadeur auprès du Saint-Siège. Ce coffret contenait des layettes tissées par les nonnes du Vatican. Les deux statues sont des œuvres d’Antoine Coysevox, sculpteur de Louis XIV qui a également réalisé le mausolée du marquis de Vaubrun situé dans la chapelle de Serrant. Réalisée autour des années 1710 pour les jardins de Marly, la statue de droite représente Marie Adélaïde de Savoie, mère de Louis XV, en Diane Chasseresse. La statue de gauche représente une nymphe des bois. Ces statues en terre cuite sont des modèles pour les statues en marbre, aujourd’hui conservées au musée du Louvre. Le cartonnier d’archives au fond de la pièce, conçu au XXème siècle, contient une partie des archives des différentes familles qui se sont succédé au château. Le chartrier de Thouars et les archives des La Trémoïlle ont été donnés aux Archives nationales en 1960. Restent ici toutes les pièces concernant l’histoire du château depuis le XIVème siècle.
La chambre Empire (en visite guidée uniquement)
Cette chambre témoigne du passage de Napoléon et Joséphine en exposant le mobilier Empire commandé par la comtesse Walsh pour redécorer Serrant à l’occasion de cette visite impériale. Les références égyptiennes et mythologiques se côtoient dans les œuvres signées des plus grands artistes : Jacob-Desmalter, Marçion, Thomire, Canova.
La bibliothèque (en visite guidée uniquement)
Avec son atmosphère chaleureuse, unique et rassurante, la bibliothèque est un trésor composé d'environ 12 000 ouvrages anciens. Ces œuvres sont minutieusement alignées dans les boiseries en chêne recouvrant la totalité les murs. Parmi les livres rares se trouvent l’Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, la Description de l’Égypte, les premières éditions des Fables de La Fontaine illustrées par Oudry ou les gravures de Piranèse. Un important mobilier d’époque achève de faire de cette pièce le clou de la visite : billard, secrétaire, tables de jeu, tables de lecture… Afin d'éviter tout démembrement, l'ensemble a été classé archive historique en 2002.
la bibliothèque
l’encyclopédie d’Alembert dans la bibliothèque
Appartement de la Duchesse (en visite guidée uniquement)
La chambre de la Duchesse de Trémoille est la plus confortable du château se qui explique que la Reine Mère y fut logée lors de sa venue. Elle dispose aussi d'un salon d'habillage qui dispose d'une petite salle de bain. Son exposition plein sud et ses boiseries blanches lui donnent en plus d'une vue sur le parc, un parfait éclairage.



chambre de la Duchesse de Trémoille


salon d’habillage de la Duchesse de Trémoille Appartements Louis XV
Lors du réaménagement du château entre 1894 et 1898, le duc de La Trémoïlle, grand amateur d’art, souhaite présenter ses collections dans des ensembles cohérents. Il fait donc aménager des salles reprenant les styles décoratifs d’époques différentes : Louis XV, Louis XVI, Empire, … Situés dans l’aile Nord, les appartements Louis XV sont constitués de deux chambres et de leurs salles de bains destinées à accueillir les invités du duc et de la duchesse. Ils présentent un remarquable mobilier du XVIIIème siècle agencé avec goût en cohérence avec les boiseries anciennes et les objets d’art précieux.
Salle de bain
La première pièce est une ancienne chambre reconvertie en salle de bain vers 1900. La baignoire est placée dans l’alcôve, à la place du lit. Le mobilier de toilette est commandé par le duc de la Trémoïlle en 1894 à deux enseignes : la Maison Lessayeux à Angers et le Bon Marché à Paris. Les trente salles de bain du château, bien que toutes différentes dans leur conception, ont ainsi reçu un mobilier identique et fabriqué en série.

salle de bains Chambre de Monsieur
Portraits de famille : A) Isabelle de Merode, duchesse de Holstein (1649-1701), d’après Largillière, XIXe siècle. B) Charles Bretagne, duc de La Trémoïlle (16831719) par Alexis-Simon Belle avec un superbe cadre en bois argenté d’époque Régence. C) Antoine Walsh (1703-1763), fils d’un irlandais catholique exilé en France, il achète le domaine de Serrant en 1749 pour le compte de son frère François-Jacques, futur comte de Serrant. D) Antoinette de Bullion, princesse de Talmont (1685-1758), épouse de Frédéric Guillaume de La Trémoïlle, prince de Talmont.
Le mobilier et les objets d’art sont accordés aux boiseries du XVIIIème siècle : 1) Lit à la turque de style Transition, XIXe siècle. 2) Secrétaire d’époque Louis XV estampillé Jean-Baptiste Fromageau – Dessus : statue en terre cuite Diane nouant sa sandale par Gustave Deloye, 1879. 3) Bureau plat de style Louis XV (XIXème siècle) et son fauteuil canné estampillé Philippe Poirié. 4) Duchesse brisée de style Louis XV, XIXème siècle. 5) Paire de fauteuils d’époque Louis XVI ; au milieu : guéridon d’époque Louis XV et un service à thé dit « égoïste » en porcelaine de Clignancourt, fin XVIIIème siècle, manufacture du comte de Provence. 6) Garniture de cheminée : pendule et chandeliers, mouvement de Gilles Laîné, horloger parisien. 7) Commode d’époque Louis XV estampillée Jacques Bircklé ; dessus : portrait photographique du comte de Chambord dans un cadre en métal argenté, groupe en biscuit de Sèvres XVIIIème siècle. 8) Chiffonnière à écran d’époque Louis XV, avec un écran coulissant à l’arrière.

chambre de Monsieur Chambre de Madame
Les boiseries ont été commandées au menuisier nantais Jean-Baptiste Ledoux vers 1760 par le comte Walsh de Serrant pour orner le « salon de compagnie » du château, situé au rez-de-chaussée. À la fin du XIXème siècle, le salon est divisé en 2 pièces pour créer la chambre du prince de Tarente et les boiseries sont réutilisées dans ces appartements. Elles illustrent parfaitement le style rocaille en vogue durant le règne de Louis XV : volutes, motifs végétaux et coquilles.
Tableaux : A) Portrait d’une jeune femme, Edouard Pingret (1785-1869), 1835. B) Jeune fille jouant avec un oiseau, d’après Jean Raoux (1677-1734) Mobilier et les objets d’art : 1) Pendule de style Louis XV : mouvement de Grandperrin, horloger parisien, début du XIXe siècle. 2) Lit et ciel de lit de style Louis XV, 1894. 3) Coiffeuse et fauteuil d’époque Louis XV dans le style de Lacroix, vers 1765. 4) Secrétaire de dame estampillé Jean-François Dubut, vers 1770. 5) Paire de bergères à cinq pieds, vers 1770 – Au milieu : chiffonnière-tricoteuse d’époque Louis XVI, la corbeille inférieure servait à ranger les pelotes de laine.
La visite se poursuit par la découverte de la salle de bains (aménagement de 1894) puis de l’ascenseur de service, ou monte-charge, installé en 1894. Il possède un fonctionnement mécanique et permet de desservir tous les niveaux du château pour transporter bagages, bûches et autres besoins matériels lourds.
salle de bains
ascenseur de service Les chambres des enfants
Le rez-de-chaussée de l’aile Nord du château présente une suite de chambres aménagées en 1894 pour accueillir les enfants de la famille La Trémoïlle. L’état actuel reprend la configuration pour les deux premières filles du prince et de la princesse de Tarente : Charlotte, née en 1892, et Marguerite, née en 1894. Deux autres filles arriveront ensuite, Hélène et Antoinette, puis enfin un garçon en 1910, héritier du titre : Louis Jean, qui deviendra duc de La Trémoïlle en 1921.
Salon des jeux
La première pièce est actuellement présentée en tant que salon des jeux, mais elle a également été une chambre d’enfants entre 1899 et 1920 environ. Vous pouvez y voir un billard de pub, dit aussi « russe », en vogue au début du XXème siècle, une boudeuse Napoléon III, ainsi qu’une table de jeu d’époque Louis XVI. Le buste en albâtre sur la cheminée représente Gaston Walsh de Serrant, fils de la Comtesse Walsh de Serrant dont vous avez pu voir la très belle sculpture à l’étage.

salon des jeux Chambre de Charlotte et Marguerite
Charlotte de La Trémoïlle nait en 1892, bientôt rejointe par sa sœur Marguerite en 1894. La chambre est présentée dans sa configuration des années 1900, avec des lits jumeaux et un mobilier simple. La sobriété de la chambre, en comparaison avec celles de leurs parents, montre la relative attention accordée aux enfants à cette époque. Il faut cependant remarquer un beau pastel représentant Marguerite Duchâtel enfant, future duchesse de La Trémoïlle, ainsi qu’un ensemble de mobilier miniature du XVIIIème siècle, à l’origine des chefs d’œuvre d’apprentis-ébéniste reconvertis en meubles pour enfants. Une belle photographie datant des années 1900 et prise dans l’escalier Renaissance du château montre le duc de La Trémoïlle entouré de sa fille et ses petites-filles Charlotte et Marguerite. Les belles tapisseries murales à motifs fleuris sont d’origine, tendues en 1894 lors du réaménagement du château.
lits jumeaux dans la chambre de Charlotte et Marguerite Chambre de la gouvernante
Parmi les domestiques, la gouvernante occupe une place à part. Elle profite d’une chambre spacieuse et confortable, à proximité immédiate des enfants, à l’inverse des autres domestiques logés dans les combles et les entresols. Si l’ampleur de la pièce est digne d’une chambre d’invité, le mobilier est quant à lui plus sobre, à l’instar du mobilier commandé en série pour les chambres des domestiques. Il s’agit d’un ensemble des années 1850, pratique et économique. Preuve du confort important du château, la gouvernante dispose d’un cabinet de toilette dissimulé dans une grande armoire du XVIIIème siècle.

chambre de la gouvernante – son cabinet de toilette Chambre de la Princesse de Tarente
La chambre de la Princesse de Tarente se situe dans la Tour Nord du château, la plus ancienne, datant du XVIème siècle. Cette chambre est aménagée dans les années 1890 à la place de l’ancienne bibliothèque des Bautru, qui a été transférée au premier étage par le Duc de la Trémoïlle. Cette pièce témoigne parfaitement de l’art de vivre d’une femme noble au XIXème siècle.
La chambre est aménagée entre 1894 et 1898 pour la princesse de Tarente, née Hélène Pillet-Will. Elle a épousé en 1892 Louis Marie de La Trémoïlle, prince de Tarente, fils ainé et héritier du duc de La Trémoïlle. Très attachée à Serrant, elle partage son temps entre le château appartenant à ses beaux-parents et l’hôtel particulier parisien. A la mort de son beau-père en 1911, elle devient duchesse de La Trémoïlle et s’installe dès lors dans la chambre dédiée au premier étage (accessible en visite guidée).
Cette chambre s’inspire dans sa décoration des intérieurs nobles du XVIIIème siècle : on peut ainsi y voir l’évolution du mobilier à cette époque. A droite de l’entrée se trouve une commode d’époque Régence (1715-1723). Le style Régence est marqué par de riches bronzes dorés et des galbes très prononcés. La forme du meuble lui donne son nom : « commode tombeau ».
Dans la continuité du style Régence, le cartonnier d’époque Louis XV, à droite de la cheminée, présente des décors raffinés et inspirés par le baroque. Ici, les bronzes dorés sont omniprésents et représentent des scènes chinoises alors très en vogue, la marqueterie de bois exotiques recouvre l’intégralité du meuble et toutes les surfaces du meuble sont travaillées en courbes et en galbes. Vous pouvez également observer plusieurs meubles d’époque Louis XVI dans cette chambre. Derrière le lit se trouve une armoire ornée de panneaux en laque de Chine ; en face de l’entrée, un très beau secrétaire à cylindre et abattant. On retrouve dans ces meubles les motifs caractéristiques du style Louis XVI, tout en finesse et en sobriété : pieds en fuseau et cannelés, lignes droites, symétrie et bronzes discrets. Sur le guéridon devant la cheminée, un très beau coffre à bijoux d’époque Napoléon III est une évocation en miniature des cabinets du XVIIème siècle : derrière les vantaux sont dissimulés les tiroirs et la marqueterie reprend le style Boulle en métal et écaille.


chambre de la Princesse de Tarente Chambre du Prince de Tarente
La chambre du Prince de Tarente se situe à la place de l’ancien salon de compagnie des Walsh au XVIIIème siècle. La cheminée a été conservée lors de l’aménagement de la chambre à la fin du XIXème siècle. Elle prend le nom du fils ainé du Duc de La Trémoïlle et sert encore aujourd’hui pour loger les invités de la famille.
La chambre est créée pour le prince de Tarente, fils ainé de la famille, entre 1894 et 1898. Associée à une antichambre et la chambre de son épouse, la pièce montre la place importante du prince dans la famille : en tant que futur duc de La Trémoïlle, il assiste son père à la gestion du domaine. Dans les faits, le prince de Tarente mène une carrière politique loin de Serrant : il est élu député de Gironde et maire de Margaux en 1905, et reste parlementaire sous l’étiquette de la Gauche démocratique pendant une quinzaine d’années.
La chambre est aménagée dans le style Louis XVI : c’est le retour du classicisme, porté par la découverte des ruines de Pompéi et d’Herculanum en Italie. Les ornementations sont sobres, les meubles sont droits et rigides et les pieds sont cannelés et en fuseau. On retrouve donc un ensemble de fauteuils d’époque Louis XVI, ainsi qu’une coiffeuse d’homme et une splendide commode à ressaut estampillée Grevenich. Néanmoins, on note également une paire d’encoignures d’époque Régence attribuée à Cressent (vers 1720), remarquable par la taille et la qualité du décor. Le décor de la salle passe également par les trompe-l’œil en haut des murs. Au-dessus de la porte et de la cheminée, ce sont des bas-reliefs qui font figurer le monogramme royal : deux L entrecroisés. Les seules exceptions dans ce décor XVIIIème siècle sont la cheminée et sa garniture : elles datent du Ier Empire (1802-18015). La pendule est particulièrement remarquable grâce à sa fine sculpture en bronze doré. Le mécanisme de l’horloge est dû à Claude Galle, un des meilleurs horlogers de son époque.
Le château a été réaménagé dans les années 1890 avec l’objectif d’en faire une demeure moderne et familiale. Dès lors, les La Trémoïlle ne reculent devant rien pour ajouter le confort moderne au château. C’est ainsi qu’en 1920, l’eau courante est installée. Chaque chambre du château est alors équipée d’une salle de bains et de toilettes. Un luxe inouï à l’époque ! Bien entendu, pour ne pas dénaturer le style ancien des pièces, ces commodités ont été cachées : ici, les toilettes sont dans l’épaisseur du mur à gauche de la fenêtre, et la salle de bains est dissimulée par une armoire.

chambre du Prince de Tarente L’Antichambre du Prince de Tarente
L’antichambre servait de vestibule au château : les invités reçus par le duc de la Trémoïlle patientaient ici. On peut observer à gauche de la porte vers l’escalier la boîte qui servait à déposer les cartes de visite et sous la fenêtre côté cour un porte-parapluie.
Vous pouvez admirer les différents portraits des familles qui ont habité Serrant depuis le XVIIème siècle : A) Guillaume II Bautru (1588-1665) et B) son fils Guillaume III Bautru (16181711), principaux constructeurs du château à partir de 1636. C) Sophie Legrand, comtesse Walsh de Serrant (1802-1872) et ses deux enfants par Louis Hersent (1832). Ce tableau les représente dans le parc du château que l’on aperçoit à l’arrière-plan. La comtesse perd successivement ses 4 enfants de la tuberculose, y compris Gaston et Marguerite que l’on voit ici. Elle repose aujourd’hui dans la chapelle avec ses enfants. Le tableau est une récente acquisition qui lui permet de retrouver son emplacement d’origine. D) Eléonore de Bergh, duchesse de Bouillon (1613-1657) E) Madeleine Diane de Bautru, duchesse d’Estrées (1668-1753), qui vendit le château à Antoine Walsh en 1749. F) Antoine-Philippe de La Trémoïlle, prince de Talmont (1765-1794) par Pierre-Narcisse Guérin. Commandant de la cavalerie vendéenne, le prince de Talmont fut arrêté et fusillé à Laval en 1794.
1) Bureau Mazarin en marqueterie d’écaille de tortue et laiton, dite marqueterie « Boulle », fin XVIIème siècle. Ce style de marqueterie, très en vogue à cette époque, a été inventé par le fameux ébéniste de Louis XIV : André-Charles Boulle (1642-1732) ; Dessus, pendule dite « religieuse » avec placage d’écaille de tortue, fin XVIIème siècle .2) Table hollandaise d’époque Louis XIII en incrustation de bois polychromes ; Dessus, statue en bronze de Guillaume d’Orange (1533-1584) par Nieuwerkerke. Une de ses filles épousa un duc de La Trémoïlle. 3) Cabinets en bois d’ébène et poirier noirci d’époque Louis XIII. Ces meubles, entièrement composés de tiroirs, servent à ranger des objets précieux et personnels tels que des bijoux, du parfum ou des lettres. Le caisson central du meuble présente une décoration plus somptueuse avec de la marqueterie et parfois un décor de théâtre. 4) Coffre néo-Renaissance (XIXème siècle), avec le réemploi d’une pièce du XVIème siècle en façade. 5) Horloge sur pied d’époque Louis XIV, dite régulateur de parquet car elle servait d’horloge de référence pour le château. 6) Tapis d’Aubusson d’époque Empire et un ensemble de fauteuils de style Louis XIII.

antichambre du Prince de Tarente
cabinet en poirier dans l’antichambre du Prince de Tarente
bureau Mazarin dans l’antichambre du Prince de Tarente
cabinet en poirier noirci dans l’antichambre du Prince de Tarente Les cuisines
Cette grande pièce de 140 m² est un vestige des fondations de la forteresse médiévale du XVème siècle : les voûtes d’ogives et l’épaisseur des murs en sont de bons témoins. À partir du XVIIème siècle et jusqu’à la fin des années 1940, la salle est transformée en cuisine. Lors des réaménagements du château en 1890 par le Duc de la Trémoïlle, ce dernier modernise la cuisine et la dote d’équipements à la pointe de la modernité, tels qu’on peut encore les voir aujourd’hui.
Au centre de la pièce se trouve un énorme fourneau à charbon doté de 8 fours et 2 plaques de cuisson sur le dessus. La véritable innovation de ce fourneau en fonte est constituée par l’évacuation des fumées grâce à un conduit souterrain qui les emmenait directement jusqu’à la grande cheminée médiévale. Le foyer de cette cheminée a été remanié à cette même période pour y inclure une rôtissoire mécanique et une étuve permettant de conserver les plats au chaud avant le service. Deux éviers sont présents sous chaque fenêtre de la salle : ceux de gauche (en faïence) étaient utilisés pour nettoyer les légumes venant du potager, ceux de droite (en cuivre) servaient à laver les ustensiles de cuisine. La vaisselle en porcelaine n’était jamais descendue en cuisine, mais était lavée et rangée dans l’office, près de la salle à manger. Un monte-plats situé dans la boulangerie derrière les cuisines permettait d’envoyer les plats chauds jusqu’à l’office au niveau supérieur.
Les cuisines de Serrant présentent encore la batterie en cuivre complète : près de 200 ustensiles sont alignés au mur, depuis les casseroles et leur couvercle, jusqu’aux turbotières et plaques à pâtisserie. Il faut aussi remarquer la variété des moules à gâteaux : charlotte, kouglof, savarin, etc… Tout cela permet d’imaginer la diversité des recettes à la fin du XIXème siècle. La plupart des ustensiles est marqué d’un « T » correspondant au nom La Trémoïlle, d’autres portent la marque « WS » pour Walsh-Serrant. On peut voir dans le garde-manger de la boulangerie des ustensiles plus insolites comme le moule à caramels ou la poche à douille.
En cette fin du XIXème siècle, les cuisines de Serrant obéissaient aux mêmes règles que celles des grands restaurants : un chef-cuisinier et une brigade d’une douzaine de personnes s’activaient, chacun à leur poste. Remarquez les cloisons qui séparent les éviers du reste de la salle : cela permettait d’isoler les postes de travail. Preuve de l’importance accordée à la qualité des repas, il y avait deux autres pièces dédiées à la préparation des repas : une boulangerie/pâtisserie avec un four à pain, et une boucherie (non visitable) avec un billot en marbre et des crochets pour suspendre les carcasses. Les celliers pour stocker les denrées étaient situés sous la cour et accessibles par le couloir qui longe les cuisines.

menus dans les cuisines La boulangerie
Dans le prolongement de la cuisine, l’ancienne boulangerie du château présente de nombreux vestiges évoquant l’importance donnée à l’organisation des repas et la modernité du château à la fin du XIXème siècle.
A) Monte-plats installé en 1894, il communique avec l’office de la salle à manger situé au-dessus. B) Maie : ancêtre du pétrin, la maie est en bois doublée à l’intérieur d’une paroi en étain. C) Table-coffre servant à ranger la farine et à façonner les pains. D) Armoire d’époque Louis XIV. E) Emplacement du four à pain en brique, démonté pendant la Seconde Guerre Mondiale et remplacé par un chauffe-eau. Seule la porte en fonte a été conservée. F) Garde-manger : à l’intérieur, un moule à caramel, une poche à douille et une cuillère à beurre. G) Vestiges du potager : construction en brique à plusieurs foyers permettant de faire mijoter longuement ou de conserver les plats au chaud avant le service.
la boulangerie L’office du majordome
Cette pièce carrelée est le bureau du majordome, domestique le plus haut gradé et responsable de nombreuses tâches : gestion du personnel, entretien de l’argenterie, commandes de matériel nécessaire au bon fonctionnement du château, etc…
Le majordome fait le lien entre les maîtres de maison et le reste du personnel. En plus de distribuer les tâches et de veiller à leur accomplissement, il s’occupe personnellement de l’entretien et de la garde de l’argenterie, ainsi que de la cave à vin. En collaboration avec le chef cuisinier et la maitresse de maison, il gère l’approvisionnement de la table. Sa fonction importante dans l’organisation du château explique qu’il profite d’une pièce dédiée. On y trouve de grands placards pour y ranger l’argenterie ainsi que beaucoup d’objets utiles au travail quotidien de l’ensemble du personnel.
Une rangée de manettes accolées au mur se distingue, elles commandent l’ouverture et la fermeture des conduits d’air chaud dans les salles du château. En effet, dans la pièce voisine se trouve la chaudière fonctionnant au fioul. De marque Excelsior, elle a été installée à la fin des années 1950, en remplacement de celles à charbon de 1898, rendues inutilisables par l’armée allemande durant l’Occupation. Le tableau électrique date quant à lui de la première installation de 1900.
Le réfectoire des domestiques
Ce réfectoire a été reconstitué pour représenter la vie des domestiques vers 1900. Le château comptait alors 30 à 40 personnes pour le service et l’entretien.
Cette salle accueillait le personnel du château lors des repas. La hiérarchie était respectée à table : le majordome, chef du personnel masculin, se plaçait en bout de table ; la gouvernante, qui dirigeait le personnel féminin, était située à sa droite ; puis venait le chef cuisiner, le gardien, le maître d’hôtel, les valets de chambre, les femmes de chambre, les valets de pied, les bonnes, les marmitons, etc… Il faut noter que les jardiniers et les garçons d’écurie ne mangeaient pas avec le personnel du château. Les domestiques logeaient sur place, selon leur fonction : le gardien profitait d’un des pavillons de la cour ; les valets et les femmes de chambre disposaient de chambres situées en entresol, près des grandes chambres. Enfin, les bonnes et les marmitons étaient logés dans des chambres individuelles aménagées dans les combles.
La lingerie
La lingerie, royaume des lingères et couturières, illustre parfaitement le quotidien de la vie de château pour les domestiques. C’est ici que le linge propre était repassé et plié. Il devait parfois être reprisé avec les machines à coudre. Cette pièce reconstitue la véritable lingerie du château qui était située au dernier étage du château, dans le dôme de la tour Sud. L’emplacement était choisi avec soin : sous les toits pour éviter l’humidité des sous-sols, près des chambres du personnel et avec de grands placards pour y ranger l’ensemble du linge de maison.
Dans cet espace il est possible de percevoir l’encombrement que représentait l’entretien du linge. Tables, paravents et portants sont recouverts de linge prêt à être repassé. Au fond de la pièce se trouvent des fers à repasser en train de chauffer sur un petit poêle. Celui d’origine était beaucoup plus gros et permettait de chauffer une dizaine de fers. Une machine à coudre SINGER de 1895 et une seconde plus petite pour les boutons sont exposées pour évoquer le travail de couture. Quelques vêtements de domestiques sont posés sur la table : tabliers, chemise à plastron, veste de cuisinier, gilet blanc d’un valet, … Tous ces éléments ont réellement servi à Serrant dans les années 1900.
Textes issus du Guide Vert Michelin, du site Internet du château et des feuilles de visite