A l’occasion du centenaire de Sainte-Adresse comme capitale de la Belgique de 1914 à 1918, revoici la présentation de la ville où j’habite depuis 54 ans.
Sainte-Adresse est une ville balnéaire d’une superficie de 2,26 km² située près du Havre et habitée par environ 7500 Dionysiens. La population est passée de 8754 habitants en 1975 à 7494 en 2011.
- Le centenaire du gouvernement belge (1914-1918)
Le 21 juillet 2014, jour de la fête nationale Belge, a été choisi par la Ville pour procéder au lancement des festivités commémorant la présence à Sainte-Adresse du gouvernement Belge durant la grande guerre.
Le 4 août 1914, la neutralité de la Belgique fut bafouée par l’invasion des troupes allemandes. Dans l’impossibilité de rester sur son sol le gouvernement belge quitte Bruxelles et demande l'hospitalité à la France. Sainte-Adresse sera choisie parce qu'au Nice Havrais, les vastes bâtiments luxueux et les villas récemment construits par Dufayel permettaient d'accueillir et de loger le gouvernement et les ministères Belges qui arrivent au Havre le 13 octobre.
Les villas Louis XVI et Louis XIII sont dédiées au Président du Conseil et au ministre de la guerre, l’hôtellerie du Nice Havrais regroupe de nombreux ministères, la villa Roxane est réservée à Charles de Broqueville, président du conseil des ministres, l’immeuble du Nice Havrais voit s’installer les ministères d”état et une grande partie des bureaux des ministres, la villa Hollandaise est réservée au ministère des affaires étrangères, la Roseraie devient résidence royale bien que le roi n’y vint jamais préférant resté sur le front en Belgique. Ils avaient à leur disposition un bureau de poste, utilisant des timbres-postes belges.
villa Louis XVI – l’hôtellerie – villa Roxane – Charles de Broqueville
le Nice havrais – villa hollandaise – la Roseraie
Sainte-Adresse a donc vécu, entre 1914 et 1918, sous un double drapeau. En témoignent les couleurs françaises et belges qui encadrent la statue du roi Albert 1er à l'entrée de la ville, l'insertion du drapeau belge sur le blason de la ville, une plaque apposée en façade de l’immeuble Dufayel au pied duquel toute peinte de rouge, une authentique boîte aux lettres de la poste belge, estampillée en flamand « posterijen », toujours maintenue en activité par la poste française et au bas de la rue Cochet, sur le territoire du Havre mais à la lisière de Sainte-Adresse, le monument de la Reconnaissance belge offert à la Porte-Océane en 1924.
statue d’Albert 1er – blason de Sainte-Adresse – plaque commémorative
boîte aux lettres belge – monument de la reconnaissance belge
Jusqu’au 28 septembre 2014 une exposition de 49 photos sur la promenade de la plage du Havre et sur les cabanes évoque les liens entre la Belgique et Sainte-Adresse. L’inauguration de l’exposition a eu le 17 mai 2014, à 11h30, en présence de Gery de Broqueville, arrière-petit-fils de Charles de Broqueville, président du conseil des ministres lors de l’arrivée du gouvernement belge en octobre 1914.
Douze panneaux, relatant l’histoire grande et petite de la présence du gouvernement Belge sur le territoire, sont exposés le long de la promenade du bord de mer.
Des œuvres aux accents belges ont été crées sur l’espace public par Pierre Lenoir Vaquero artiste urbaniste symbolisant l’amitié franco-belge contemporaine à travers les vers « du plat pays » de Jacques Brel mis en scène sur des murs habillés de noir.
La patrouille de France est attendue le 4 octobre 2014. Sa Majesté le Roi des Belges devrait assister aux commémorations.
D'autres événements seront organisés à Sainte-Adresse et au Havre jusqu'en 2018.
- Histoire
Le site du Cap de la Hève était déjà occupé aux temps préhistoriques. Une voie romaine partait du plateau en direction du Tréport.
En 1364 fut construit sur le point culminant du Cap, un feu appelé "feu des castillans" destiné à guider les bateaux espagnols venant décharger leurs cargaisons. Ce fut sans doute le premier "phare" installé en France.
En 1374, l’ancien village de pêcheurs Saint-Denis-Chef-de-Caux fut englouti par les flots et repose désormais au fond de la Manche. Il donna son nom aux habitants actuels, les Dyonisiens.
Le nouveau nom viendrait du fait que des prières ne suffisaient pas à sauver un bateau en difficulté au large de la ville, mais que ce bateau a été sauvé grâce à l’adresse du capitaine, qui aurait remercié ironiquement sainte Adresse (son adresse à lui).
En 1415, Henri V d’Angleterre y débarque avec sa flotte pour assiéger Harfleur.
En 1563, Catherine de Médicis fut de passage à Sainte-Adresse avec son fils, le roi Charles IX âgé alors de 13 ans.
Catherine de Médicis – Charles IX à 11 ans
En 1841, Alphonse Karr, directeur au Figaro résidant de 1834 à 1852 dans une demeure aujourd’hui devenue “l’Espace Claude Monet”, lance la station balnéaire. Le trafic du port du Havre explose, la bourgeoisie fortunée lance la mode des villégiatures et les villas fleurissent à Sainte-Adresse. Mais après le départ d'Alphonse Karr, le prestige intellectuel de la ville faiblit. C'est à ce moment qu'arrive un extraordinaire visionnaire, Georges Dufayel qui sera le premier à faire construire, en 1906, un vrai lotissement en bord de mer, au pied des falaises, son objectif étant de concurrencer Deauville et Trouville. Les villas sont élégantes. Le site protégé du vent du nord prend le nom de Nice Havrais.
espace Claude Monet – le Nice Havraia
D’octobre 1914 à 1918, Sainte-adresse fut capitale provisoire de la Belgique (voir ci-dessus).
- Monuments
Le Manoir de Vitanval, la plus vieille demeure de Normandie, construit vers 1420, est une maison à colombages d'inspiration anglo-normande. Les traces de fleurs de lys peintes sur certaines poutres attestent du passage de Catherine de Médicis, accompagnée de son fils Charles IX, alors âgé de 13 ans. Ce passage du roi au Manoir a laissé une trace : la date de 1563, gravée au-dessus de la porte d'entrée.
Le Pain de Sucre fut élevé par Stéphanie Rollier, cousine de Napoléon 1er et veuve du Général Comte Lefebvre Desnoettes qui périt lors d'un naufrage sur les côtes irlandaises, le 18 avril 1822. Il devait servir de repère aux marins. Les gens de la région le baptiseront vite le "Pain de Sucre" en raison de sa forme.
Notre Dame des Flots, chapelle construite en 1857, est dédiée à la vierge protectrice des marins. Durant toute la "Belle Epoque", la promenade à la chapelle et au Pain de sucre était très prisée, ainsi que la promenade au Cap de la Hève.
Le phare de la Hève date de 1951. Il remplace les deux phares de 17 mètres construits en 1775, les premiers construits sur cette côte et les premiers électrifiés en France en 1863, détruits par la guerre en 1944.
L'immeuble Dufayel, achevé en 1911 est le seul grand bâtiment construit par l'homme d'affaires Dufayel, qui ait échappé à la destruction allemande. Entre 1914 et 1918, il fut le siège du gouvernement belge en exil à Sainte-Adresse.
La table d'orientation actuelle de 2002 remplace celle offerte en 1954 et l’on bénéficie d'une vue exceptionnelle sur l'estuaire, le Havre et son port.
table d’orientation en 1954 – table d’orientation en 2002
La Villa Sarah Bernhardt, propriété construite pour l’actrice en 1879. Cette villa lui permettait entre autre d'entreposer ses costumes de scène pendant les jours d'attente au Havre lors de ses tournées entre Paris et New-York. C’était les seuls moments ou Sarah pouvait se reposer, prendre du bon temps.
L’église Saint-Denis : La première église attestée en 1182 était construite près du port et a été emportée par la marée en 1374. Une deuxième église terminée au XVème siècle a été démolie en 1880 après que l’église actuelle construite de 1874 à 1877 soit donnée à la commune.
2ème église Saint-Denis – église saint-Denis actuelle
L’école nationale de la Marine Marchande, construite à l’emplacement de la dernière ferme de 1954 à 1961, comporte sur le toit un étage en retrait évoquant la forme d’un poste de commandement de paquebot.
L'Estacade est l'un des symboles de Sainte-Adresse, peinte par Dufy et Marquet sur de nombreuses toiles exposées dans les plus grands musées du monde. Monet a immortalisé le littoral et les côtes dionysiennes baignées par la lumière particulière de l'estuaire de la Seine. Il y peint notamment la célèbre toile “Terrasse à Sainte-Adresse” exposée au Metropolitan Museum de New-York.
l’estacade actuelle – l’estacade au temps de Monet
Le Cap de la Hève marque l'extrémité sud de la Côte d'Albâtre et l'extrémité nord de la Baie de Seine et culmine à 100 mètres au-dessus de la Manche. C'est, avec la plage de Sainte-Adresse, un site naturel classé, depuis un décret du 8 octobre 1992.
Les batteries de Dollemard : La Seconde Guerre Mondiale verra le Havre bombardé et détruit. Le Cap de la Hève, comme toujours, devient un poste d'observation et de défense. Aujourd'hui encore, les falaises de Sainte-Adresse abritent de nombreux vestiges du mur de l'Atlantique.
batteries de Dollemard en 1944 - vestiges aujourd’hui
On peut aussi rencontrer au hasard de promenades, principalement au cœur du Nice Havrais mais aussi ailleurs, de belles villas du XIXème siècle ou du début du XXème.
Villa nordique (fin 19è) – Villa antillaise (début 19è) – Villa Marguerite (1908) – Villa Les Algues (1908)
Villa Blanc-Cottage (1908) – Villa La Coiffe (1938) – Villa des Flots (1958)
Villa A.V. (1887) – Villa des Baigneuses (1908) – Villa Saint-Georges (1897) – Villa Mauresque (1876)
- Personnalités
- Sarah Bernhardt, actrice, y fit construire une propriété en 1879 (voir ci-dessus).
- Jean-Baptiste Camille Corot a peint “Maison de pêcheurs à Sainte-Adresse”, entre 1830 et 1840
- Raoul Dufy a peint “La Plage de Sainte Adresse” en 1902
- Philippe Dupuy, auteur de bande dessinée y est né le 15 décembre 1960.
- Henri de Gaulle et Jeanne de Gaulle née Maillot, parents de Charles de Gaulle se sont retirés chez leur fille Marie-Agnès Cailliau de Gaulle à Sainte-Adresse et y sont morts (3 mai 1932 et 16 juillet 1940) et enterrés.
- Alphonse Karr, illustre journaliste et jeune directeur du “Figaro”, y réside de 1834 à 1852 dans une demeure acquise aujourd'hui par la Ville, il lance la station balnéaire en 1841 (voir ci-dessus).
- Georges Dufayel, commerçant parisien et homme d'affaires avisé qui développa le système des achats à crédit et des achats sur catalogue. Il est à l'origine de la station balnéaire Le Nice-Havrais à Sainte-Adresse en 1906 (voir ci-dessus). Il était propriétaire des Grands Magasins Dufayel, le grand magasin le plus vaste au monde à l'époque, dans le quartier de la Goutte-d'Or à Paris où l'on trouvait pêle-mêle des meubles et des articles ménagers. Le magasin fut fermé en 1930, mais le bâtiment, modifié, existe toujours.
- Charles-Alexandre Lesueur, naturaliste, artiste et explorateur né au Havre le 1er janvier 1778. Au retour de son dernier voyage en Amérique, en 1837, il s'installe à Sainte-Adresse jusqu’à sa mort le 12 décembre 1846 et reprend ses travaux sur les falaises de la Hève. En 1838, il lègue une partie de ses collections de spécimens naturalistes à la ville du Havre, qui décide alors de créer son Muséum et l'en nomme directeur.
- Prosper Mérimée situe l'action de sa dictée à Sainte-Adresse.
- Claude Monet a peint de nombreux tableaux de la ville :
- “La Pointe de la Hève, Sainte-Adresse”, 1864, “La Pointe de la Hève à marée basse”, 1865, “Terrasse à Sainte-Adresse”, 1867, “Jardin à Sainte-Adresse”, 1867, “La Plage de Sainte-Adresse”, 1867, “La Côte de Sainte-Adresse”, “La Mer à Sainte-Adresse”, “Promenade sur les falaises de Sainte-Adresse”, “Régates à Sainte-Adresse”, 1867, “Les Cabanes à Sainte-Adresse”, 1868, “Rue à Sainte-Adresse”, “La Falaise de Sainte-Adresse”, “Sainte-Adresse, bateau à voile échoué”, “Sainte-Adresse”, “Sainte-Adresse, bateaux de pêche sur le rivage”.
- Georges Méliès, père de l'art cinématographique y tourne en 1896 quelques-unes de ses premières vues maritimes : “Assaut des vagues furieuses sur les falaises de Sainte-Adresse”.
- Patrice Deshayes auteur compositeur interprète de chants de marins y est né le 26 juin 1960.
- Maxime Leroux, comédien français, y est né le 26 mars 1951.
Dans les personnalités, je ne trouve point trace de Didier Tougard, quel facheux oubli !!
RépondreSupprimerFrançois W
Deux commentaires : le premier concerne Georges Dufayel dont vous soulignez qu'il avait volonté de concurrencer Deauville. Ce n'est pas exact. A la fin du 19e, c'était la ville de Trouville qui était un lieu de villégiature pour les Parisiens ; Deauville n'avait pas la notoriété qu'elle a de nos jours. Georges Dufayel n'a été guidé que par la volonté de réaliser une magnifique opération immobilière, et il a réussi !
RépondreSupprimerLa seconde remarque concerne l'Escacade. Ni Dufy, ni Marquet n'ont peint celle que vous montrez en photo. L'estacade qu'ils ont immortalisé était celle de l'ancien Palais des Régates, construit par Dufayel, et qui se situait à plus de 300 m à l'ouest; détruite pendant la 2e guerre mondiale. Quand au tableau Terrasse de Sainte-Adresse, il a été peint du premier étage d'une maison appartenant au baron de Noirefontaine, située juste à l'est de la batterie de l'Epi, et qui dominait une terrasse... qui se trouve sur le tableau.
Ceci dit, bravo pour votre communication.
Merci pour ce commentaire et ces précisions.
RépondreSupprimerVoilà une intéressante présentation de Sainte Adresse.
RépondreSupprimerVoir sur ce lien les billets consacrés à Sainte Adresse. http://aplemontphoto.blogspot.com/search/label/Sainte%20Adresse
Merci, de cette belle présentation, facile à lire et quand même assez complète ! Je ne connaissais pas le tableau de Monet "les cabanes à Sainte-Adresse".
RépondreSupprimerMerci aussi à M. Dufour, que l'on ne collera pas sur le sujet ! ;)
Merci pour ce beau rappel historique !
RépondreSupprimerJe pense que tu devrais t'inscrire aux prochaines élections pour devenir maire ! lol.
RépondreSupprimerA samedi. Alain.
merci pour cette présentation exhaustive et très intéressante
RépondreSupprimerIl me semble que C. Monet a vécu quelque temps à Sainte Adresse. Pouvez-vous me dire à quelle adresse ? Merci pour votre réponse
RépondreSupprimerEffectivement Claude Monet a vécu à Sainte-Adresse en 1867 et 1868 chez son père Adolphe, mais à quelle adresse ? Avis aux connaisseurs !
SupprimerLe Père de Claude Monet se nommait Claude-Adolphe ...
RépondreSupprimerje Suis de Sainte-Adresse où il est enterré dans une tombe sommaire
j'étais très étonnée en la découvrant....